Après un premier travail en avril dernier, ces plants d’azalées japonaises sont prêts pour que commence leur formation en futur Bonsaï. L’auteur, Jérôme Hay, vous invite à le suivre dans ce travail.

Les premiers traits d’une satsuki dessinés, à nous d’en saisir l’essentiel pour continuer le travail. Modeler du vivant peut être plus retors que de l’argile, car la plante a son mot à dire. Prenons cette réaction comme un avantage. Créer un Bonsaï est toujours un challenge surtout lorsqu’on part d’un plant sans prédisposition. C’est sur ce genre de plant qu’on peut expérimenter l’art du Bonsaï. Il faut avoir un déclic, la petite chose, l’idée pour commencer. Le premier travail entrepris en avril sur six plants de satsuki (voir Esprit Bonsaï 70), azalées japonaises, peut être réalisé jusqu’après la floraison et début juin. Après quelques semaines d’un printemps timide, les températures chaudes du début de l’été ont fait finalement exploser la végétation.

 

 

Azalea bonsai seedlings

Le premier travail sur ces satsukis est effectué en avril dernier.

 

Évolution des azalées

Sur cette phase intermédiaire, il y a eu peu d’interventions sur les plantes, mis à part l’arrosage, le désherbage et l’ajout d’engrais (engrais à libération lente, Osmocote). Nous voici donc trois mois plus tard, après notre première mise en forme. On constate les différentes réactions des six plants d’azalées. La pousse a été réactive et abondante pour certaines, un peu moins pour d’autres. Si le mode de culture est le même pour tous les plants, la différence est liée à la variété. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a un problème sous-jacent – une maladie ou un insecte probablement. Depuis le mois d’avril, la masse de feuillage a plus que doublé, des rameaux ont émergé de partout, ce qui va nous permettre de continuer notre travail. À présent, il est plus facile de protéger ces plants qui sont de futurs Bonsaïs. Les premières formes sont figées et la suite du travail en découle.

 

Azalea bonsai in training

Les mêmes plants fin août : la végétation s’est bien développée pendant l’été. Ils sont prêts pour la suite du travail.

 

Ôter les ligatures

Premier travail : ôter la ligature, ce qui n’est pas une mince affaire. Le fil est entré dans le bois par endroit, il faut avoir des mains expertes et habiles pour réussir à le défaire. Que le fil ait marqué le bois n’est pas un point négatif à ce stade, car le plant va encore pousser et les plaies vont se cicatriser. Je dirais même que cela modèle le tronc, car le caractère d’un arbre naît d’imperfections. Le plus difficile est d’enlever les ligatures qui se trouvent sous la surface du substrat, la kanuma.

 

Removing wire

Il est assez difficile d’enlever le fil des branches enfouies sous le sol, car des racines ont commencé à apparaître. De plus, l’apport de sève a fait grossir ces parties.

 

Favoriser les nouvelles racines

En ôtant le fil qui maintient les branches à l’horizontale au contact de la sphaigne et de la kanuma, sont apparues de petites racines. C’est un atout important, car c’est de cette manière que l’on forme des nebaris larges et étalés. Pour entretenir cette progression, j’ajoute une couche de kanuma à la surface du pot. En effet, son niveau s’est abaissé sous l’action de l’arrosage et du désherbage. Remonter le niveau permettra aux racines de se développer et de continuer cette marcotte naturelle. Ne pas oublier de disposer une fine couche de sphaigne à la surface : elle aide à garder une humidité saine et régulière.

 

Bonsai wire

Ces blessures, même profondes, ne sont pas un problème, car recouvertes de substrat, elles favorisent l’apparition de nouvelles racines.

Detail

De fines racines se sont formées au contact de la sphaigne et de la kanuma : elles vont aider à former un beau nebari.

 

Wire cut into the bark

Pas de renflement

Le cambium de l’azalée est très fin et réactif : il essaie de recouvrir le fil de ligature. Chez d’autres espèces, comme les conifères, il aurait formé un renflement de chaque côté du fil, et aurait fini par l’avaler. Chez l’azalée, la fine couche de vie se déplace et recouvre le fil. Cela a son importance lors de la taille, car les outils employés lors de la coupe d’une branche ne sont pas les mêmes. On évite la pince concave, car elle creuse le bois ; la cicatrisation de l’azalée n’en serait pas gênée, mais resterait inesthétique, car elle épouserait le creux fait par la coupe.

La taille

Il est temps d’intervenir, de tailler les branches en doublon, celles qui sont mal placées et d’équilibrer le futur Bonsaï tout en laissant quelques branches de sacrifice pour faire grossir les troncs.
Déjà à ce stade, on peut commencer à déterminer la face de l’arbre, ou les possibilités de face. Cela va nous aider dans la taille, on peut ainsi supprimer les branches qui font face et commencer à choisir celles qui deviendront importantes. Les branches conservées ne sont pas raccourcies, pour leur permettre de continuer à pousser et à grossir, pour ne pas couper leur vitalité, c’est-à-dire la vitesse de pousse. Tailler les extrémités d’une branche peut conduire à un ralentissement de l’activité de la plante ; à quelques semaines de l’automne, cela remettrait à la prochaine saison végétative la réponse de la plante.
Au total, j’ai enlevé la moitié de la masse foliaire, voire un peu plus, mais il ne faut pas aller au-delà. On ne taille pas l’azalée en repos hivernal. Son manque de réaction à la cicatrisation conduirait à coup sûr à la contamination par une maladie. Cette dernière taille de l’année donnera à la plante le temps de cicatriser et de se préparer à l’hiver.
Je taille les troncs trop rapprochés, j’essaie d’avoir une unité dans les distances entre les troncs : lors des ligatures, cela me permettra de donner des formes plus homogènes.
Je taille toutes les branches des troncs dès qu’elles atteignent un diamètre de 0,5 mm, pour les faire grossir ; je laisse les plus petites dans l’optique de branches de sacrifice. Même si certaines branches sont bien placées et qu’elles pourraient être intéressantes dans la construction du Bonsaï, je n’hésite pas à les supprimer : je n’en suis pas encore dans le travail de sélection et de construction des branches, et si je les garde, ce sera au détriment des fondations.

 

Pruning azalea

Pruning

L’azalée a tendance à pousser en couronne : plusieurs bourgeons émergent d’un même point. Nous essayons de former un tronc assez long et conservons une seule pousse, la plus longue. Si ce travail avait été fait dès le début de la pousse, les rameaux auraient encore gagné en longueur et en grosseur, car ceux coupés ici sont de la matière perdue.

 

Azalea

Le travail de taille consiste ici à ordonner les branches, à préparer la structure et à garder des branches de sacrifice.

 

Deuxième mise en forme

La mise en forme doit être un travail constant. Par des interventions régulières, on construit la plante sans gros effort et on peut corriger d’éventuelles erreurs sans repartir de zéro. Je ligature presque sans protéger les jeunes rameaux : ils sont très souples, cela me permet de les positionner à ma guise.
Le travail doit être créatif et non figé, car la route est encore longue jusqu’au Bonsaï. Je ligature les troncs les mieux positionnés jusqu’à leur extrémité. Même s’ils paraissent démesurés, cela permet de créer du mouvement sans que pour autant ils se ramifient, car nous n’en sommes pas encore là. Les formes doivent être sinueuses et non régulières sur toute la longueur avec une unité entre tous les troncs, ce sera utile lors de l’équilibrage de l’arbre dans la mise en forme finale.
On prend ainsi un peu d’avance sur le travail suivant, car il est plus facile de tailler pour raccourcir un tronc que d’attendre qu’il pousse. La forme globale doit être évasée. Dans la nature, les arbres germent là où la graine est tombée. La concurrence vers le soleil pousse les plantes à s’étaler pour exploiter le maximum de lumière. Dès lors le groupe d’arbres prend une forme large bien que son départ soit resserré.

 

Wire 1

Wire 2

Une attache créée avec le fil qui va servir à ligaturer le futur tronc maintient les branches au contact du substrat.

 

Azalea training

La deuxième intervention sur les plantes est terminée. Peu de choses changeront d’ici l’hiver, car la plante commence à constituer ses réserves pour son hivernage.

 

Le suivi du travail

En règle générale, nous ne travaillons pas les azalées pendant la période hivernale. Il faudra attendre patiemment fin mars, début avril avant de voir une réaction. Nous n’interviendrons qu’à la mi-juin. Pendant l’hiver, il faudra toutefois veiller à un arrosage léger, à un traitement à l’Aliette et à exposer les plants dans une situation ensoleillée et à l’abri. Cela permet de conserver un maximum de feuillage et d’avoir une reprise de la végétation plus réactive au printemps.

 

 

Attention au phytophthora

Un plant n’apparaît pas dans l’article paru dans Esprit Bonsaï 70, le n°6. En effet, j’ai travaillé cette azalée avec une taille sévère qui a engendré un état de stress et stoppé l’activité de la plante pendant quelques semaines. Son système immunitaire étant défaillant, un champignon, le phytophthora, l’a contaminée. La contagion a été systémique et a emporté le jeune plant.
Ce champignon est très connu dans la culture des plantes de la famille des Ericacées. Sournois, il s’attaque au collet ou aux racines en coupant l’alimentation en sève de la partie aérienne : lorsque les effets sont visibles il est déjà trop tard. Il est à coup sûr mortel pour un jeune plant, et dommageable pour un arbre d’une certaine grosseur.
Pourtant, les méthodes existent pour ne pas être victime de ses méfaits, mais elles ne peuvent qu’être préventives. Ces quelques règles simples de prévention sont valables pour un bon nombre de maladies et s’avèrent très efficaces:

  • Désinfecter les outils avec de l’alcool à 90° après la taille de chaque arbre pour éviter de transmettre les spores du champignon.
  • Isoler les plantes suspectées d’infection.
  • Nettoyer régulièrement les plantes. La maladie progresse par les matières contaminées : feuilles, rameaux morts. Ceux-ci doivent impérativement être brûlés. Surtout, ne pas les jeter au compost, car cela peut créer un foyer infectieux.
  • Laisser sécher entre deux arrosages. Il faut que le substrat respire. Les plantes boivent et respirent par les racines : lorsque le substrat est détrempé, le racinaire s’asphyxie.
  • Traiter régulièrement et systématiquement avec l’Aliette, du Fosetyl-aluminium. Il désinfecte la plante de toutes les spores de champignons pathogènes en respectant les mycorhizes. C’est un produit facile à appliquer et utilisable en agriculture biologique.

 

La législation française laisse peu de choix dans les matières actives efficaces contre cette maladie, citons le propamocarbe. Il faut se méfier aussi d’autres champignons qui provoquent plus ou moins les mêmes symptômes que le phytophthora : le verticillium et le rhizoctonia. Esprit Bonsai Magazine.